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10 octobre 2013 4 10 /10 /octobre /2013 00:00

Vers a fin des années 1600, un spécialiste de l'optique étudiait et réalisait des nouveaux concepts de lunettes astronomiques. Il s'appelait Christiaan Huygens et avait déjà réussi avec l'aide de son frère Constantijn à fabriquer une lunette d'un diamètre de 11,5 cm et d'une longueur de plus de 10 mètres ! Le tube de 10 mètres était très difficile à réaliser et devenait très lourd, ce qui posait un problème.

 

Huygens imagina alors un nouveau concept de lunettes sans tuyau, avec seulement un fil tendu entre l'objectif et l'oculaire. Il appela cette lunette « La lunette à fil tendu ».

Grâce à cette lunette, il fut capable de donner des détails très précis de la surface des planètes. Il comprit aussi qu'il allait enfin pouvoir s'attaquer à une tâche jamais accomplie à ce jour : mesurer la taille des planètes...

 

Le 19 juin 1684, il décide d'utiliser une variante de notre expérience de la pièce de monnaie (celle qui nous avait permis de calculer le diamètre apparent de la Lune).

Il observe Jupiter avec son télescope et essaye de comparer le diamètre apparent de Jupiter tel qu'il le voit dans sa lunette avec celle de la Lune, située à cette date à moins de 25° de Jupiter.

 

Il raconte qu'avec le grossissement utilisé, il voyait dans son oculaire Jupiter deux fois plus gros que la Lune. Il estima le grossissement de sa lunette à 163 fois (mais manifestement cette valeur n'était pas très fiable...).

Le diamètre apparent de la Lune étant de 0,5°, il en déduit naturellement que celui de Jupiter était de 0,5°×2/163 = 0,006° (22''). Pour vous donner un ordre de grandeur, c'est à peu près une balle de ping pong vue à une distance de 400 mètres.

 

Une semaine après, il imagina un dispositif permettant de calculer ce fameux angle qu'il avait seulement estimé. Pour comprendre ce dispositif, il nous faut comprendre le fonctionnement d'une lunette astronomique.

 

Principe de base d'une lunette astronomique : 

Le principe de base de la lunette astronomique est de placer deux loupes à une distance bien définie l'une de l'autre pour observer les objets lointains.

La première loupe, appelée objectif, crée une image de l'objet lointain au niveau d'un de ses foyers (nous verrons ces termes dans quelques lignes). La deuxième loupe ne fait alors que grossir l'image créée par la première loupe en nous en donnant une vision à l'infini. Au final, l'objet est grossi.

 

Le dispositif imaginé par Huygens se base principalement sur le fonctionnement de l'objectif de la Lunette et nous allons le détailler :

 

Qu'est-ce qu'une loupe ?

Une loupe est aussi appelée une lentille. C'est un morceau de verre dont les faces sont courbées, de telle sorte que les rayons lumineux qui arrivent perpendiculaire à elle convergent tous en un seul point : le foyer noté F.

 

Les propriétés principales d'une lentille sont les suivantes :

  • Tous les rayons lumineux arrivant perpendiculaires à la lentille ressortent de la lentille en convergeant vers le foyer de la lentille
  • Tous les rayons lumineux passant par le centre de la lentille ne sont pas déviés.

Ceci est expliqué dans sur le schéma ci-dessous :

4.11 - Calcul de la taille de Jupiter

Une lentille est placée au milieu du dessin et un objet AB placé à sa gauche.

On fait partir trois rayons lumineux du point B.

  • Un rayon partant parallèlement à l'axe de la lentille et frappant la lentille au point C. D'après la définition de la lentille, le rayon est dévié par celle-ci et ressort en passant par le second foyer F' de la lentille.
  • Un rayon passant par le centre O de la lentille et n'étant pas dévié
  • Comme la lentille est symétrique, un rayon passant par le foyer F de la lentille, frappant la lentille en D et ressortant parallèle à l'axe de la lentille

Ces trois rayons se recoupent tous au même point de l'autre côté de la lentille. Ce point, c'est l'image du point B. On peut ainsi construire l'image A'B' de l'autre côté de la lentille.

On appelle la distance OF' la distance focale de la lentille et elle se note f

Appliquons le théorème de Thalès dans les triangles ABO et OB'A' dans un premier temps :

OA'/OA = A'B'/AB

Appliquons le théorème de Thalès dans les triangles F'OC et F'A'B' dans un second temps :

A'B'/OC=F'A'/F'O

Comme OC = AB et F'O=-f, cela nous donne :

A'B'/AB=OA'/OA=F'A'/F'O=(F'O + OA')/F'O=1 + OA'/F'O

et donc :

1/OA=1/OA'+1/F'O = 1/OA' - 1/f

d'où

1/OA' - 1/OA = 1/f

 

Cette formule est appelée relation de conjugaison de la lentille, ou relation de Descartes.

 

Le souci, c'est que pour Jupiter, il nous faudrait une lentille assez grande pour dessiner le rayon lumineux BC...

En fait, dans notre dessin, l'objet AB était assez proche de notre lentille, mais si l'objet est très loin, que ce passe-t-il ?

Comme vous pouvez le voir ci-dessous (même si je ne peux pas représenter à l'infini Jupiter sur ce dessin), imaginons que Jupiter soit exactement aligné avec l'axe de notre lentille, de telle sorte que des rayons issus de l'équateur de Jupiter passent par le centre O de la lentille sans être dévié.

4.11 - Calcul de la taille de Jupiter

Un rayon lumineux issu du sommet de Jupiter viendra frapper le centre O de notre lentille avec un angle α correspondant à la moitié du diamètre apparent de Jupiter. Jupiter étant considérée comme se situant à l'infini, alors tous les rayons issus du sommet de Jupiter nous parviennent avec ce même angle (c'est cela qui est difficilement montrable sur le dessin). Ainsi, un rayon lumineux passant par F avec ce même angle viendra aussi du sommet de Jupiter. Comme il passe par F, alors il ressortira parallèle à l'axe de la lentille, ce qui nous permet de construire l'image du sommet de Jupiter (et donc tout Jupiter), et nous observons que l'image de Jupiter se trouve... exactement au niveau du foyer F' !

En fait, notre relation de conjugaison nous donne aussi ce résultat, car lorsque OA est très grand, 1/OA est égal à zéro, et donc

1/OA' = 1/f

Clou du spectacle, comme un objet situé à l'infini donne son image sur le plan focal d'une lentille, alors un objet situé sur le plan focal donne son image à l'infini... De ce fait, si je place une seconde lentille à droite de F' et que je positionne son foyer exactement sur F', alors en regardant dedans, j'observerai une image de Jupiter, nette, située à l'infini, et grossie !!! C'est le principe de la lunette astronomique.

La première lentille s'appelle l'objectif, et la seconde lentille s'appelle l'oculaire. Démonstration par l'image :

4.11 - Calcul de la taille de Jupiter

Le rayon rouge passant par F et repartant parallèle à l'axe de l'objectif est alors aussi parallèle à l'axe de l'oculaire. Il traverse donc l'oculaire en repartant vers le foyer, où l'image du sommet de Jupiter est projetée à l'infini.

L'important dans cette représentation, c'est que le rayon arrive avec un angle α, mais repart de l'oculaire avec un angle β. Comme le vrai Jupiter et son image vue dans l'oculaire sont à l'infini, cela signifie que notre système a grossi Jupiter d'un rapport g=β/α.

α et β étant très petits, on peut estimer que tan-1(α)≈α et tan-1(β)≈β, et de ce fait

α = Image virtuelle / f, et
β = Image virtuelle / f1 et de ce fait G=β/α=f/f1

 

Huygens connaissant la distance focale de son objectif et la distance focale de son oculaire, il connait donc le grossissement de sa lunette. C'est donc ainsi qu'il put effectuer son premier calcul de la taille de Jupiter.

 

Il existe un autre moyen de calculer la taille de Jupiter. Il suffit en effet de calculer son diamètre apparent étant donné que maintenant nous en connaissons sa distance. Comme on le voit sur le dessin,  

α = Taille Image virtuelle / f

Comme on connait f, il nous suffit de calculer la taille de l'image virtuelle de Jupiter

 

Huygens eut donc l'idée d'insérer au niveau de l'image de Jupiter créée par l'objectif (donc au niveau du foyer de l'objectif) un petit repère lui permettant alors de mesurer la taille de l'image de Jupiter. Il mesura ainsi que l'image de Jupiter faisait environ 2 millimètres de hauteur. Comme il utilisait à l'époque une lunette à fil tendu de 34 pieds (10,35 mètres) cela signifie que la distance focale (la distance du foyer) de l'objectif était de 10350 millimètres.

Ainsi, l'angle entre le centre de l'objectif et l'image de 2 Millimètres formée à 10350 millimètres de là est de :

Arctan(2/10350) : 0,011°, soit 40''; ce qui est une valeur très proche de la réalité !

Cela correspond à une balle de ping pong vue à 200 mètres.

 

Sachant que la distance Soleil–Jupiter est de 5,2 UA, elle est donc située entre 4,2 UA et 6,2 UA de la Terre.

Pour qu'un objet à cette distance représente un angle de 0,011°, il faut que sa taille soit de :

 

tan(0,011°)×4,2=0,00081UA = 116 000 km < Taille de Jupiter < tan(0,011)×6,2=0,0012 UA = 171 400 km

 

La taille moyenne de Jupiter étant de 150000 km, nous pouvons donc conclure que le calcul de Huygens était bon !

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